«Dans ma vie, j’ai toujours tout fait pour gagner. La volonté d’arriver à la victoire fait partie de mes principales forces motrices. Et puisque je travaille toujours très dur pour arriver à la victoire, la seconde idée qui me passe par la tête est celle-ci : Bien, j’ai gagné, c’est bien, mais toute la gloire s’arrête là. La prochaine fois, ce sera encore plus difficile. »

La Famille

Milos Forman naît en 1932 à Caslav, une ville de la partie centrale de la Tchécoslovaquie dans une famille d’enseignants, il est le plus jeune de trois frères. À huit ans, il perd son père, membre de la résistance, arrêté par la Gestapo pendant l’occupation des Pays tchèques par l’Allemagne nazie. Peu de temps après, la mère de Milos est également arrêtée, dénoncée par l’épicier local Havranek, lui-même  arrêté pour n'avoir pas déclaré aux autorités  allemandes que des tracts anti-Reich avait été glissés dans les stores de son épicerie. Pendant l’interrogatoire en relation avec cet incident, il dénonce 12 femmes de la ville. Celles-ci sont immédiatement arrêtées, dont la mère de Milos.

« Ce que la Gestapo avait fait à Havranek pour qu’il dénonce les noms de ces douze femmes n’est pas clair. Il n’en revint jamais. Il a probablement été torturé. Pour finir, il se pendit dans sa cellule de Kolin », raconte Forman. La Gestapo classa le dossier et relâcha les femmes. « La seule qui ne revint pas de prison, ce fut ma mère, bien que Havranek dut citer son nom par erreur, car nous évitions intentionnellement son épicerie. »

Forman n’apprend qu’après la guerre les vraies raisons pour lesquelles sa mère fut arrêtée. Sa libération avait été refusée par un ouvrier du bâtiment sudète qui avait travaillé pour les Forman pendant la construction de l’hôtel familial Ruth sur le lac de Mach , et qui fit carrière dans la Gestapo pendant la guerre. Les raisons qui l’avaient poussé à faire cela sont inconnues. Le fait est que Madame Forman mourut le 1er mars 1943 au camp de concentration d’Auschwitz. Ce même employé de bureau de la Gestapo de Kolin expédia également le père de Forman dans un camp de concentration,  bien que celui-ci n’ait été jugé que pour une peine de prison qu’il avait déjà purgée. Il mourut en Mai 1944 dans le camp de concentration de Buchenwald.

« Mes parents étaient patriotes et c’est plus ou moins la raison pour laquelle ils perdirent la vie. Je suis en quelque sorte aussi imbibé par ce sentiment d’appartenance tribale. Je l’ai ressenti quand je me suis retrouvé plus tard loin de mon pays, ma culture, ma famille, lorsque l’on m’a coupé de la région de mon enfance, » dit Forman.

Ce n’est qu’au début des années 1960 que Milos apprend que son vrai père n’était pas le professeur Rudolf Forman, mais un architecte juif avec lequel sa mère se rapprocha pendant la construction de l’hôtel Ruth. L’information lui fut donnée par une prisonnière du même camp de concentration que sa mère qui, avant la mort de celle-ci, avait été chargée de rechercher Milos après la guerre et de lui dire la vérité. « Je pense que mon père n’a jamais su cela. Dans le cas contraire, il ne l’a jamais montré. Il s’est toujours comporté envers moi comme si j'étais son propre fils. Rudolf Forman était pour moi, mon vrai père. »

Malgré tout, Forman adressa une lettre à son supposé père biologique vivant en Amérique latine. Cependant, le vieil homme ne trouva aucun intérêt à se replonger dans le passé. Aujourd’hui, les enfants de ce dernier sont en contact avec Milos Forman et, il y a peu, le test ADN a démontré que l’homme en question était bien le père de Milos.

Les années de guerre

Milos, orphelin, vit une partie de la guerre chez le frère et la sœur de son père – l’oncle Boleslav et la tante Anna. Plus tard, il est accueilli dans une famille plus aisée ayant les moyens de l’élever, la famille du directeur de l’usine à gaz, monsieur Hluchy à Caslav.

« En passant, ma valise à la main, d’une famille à l’autre, je me suis vite rendu compte que la bonne entente et la conciliation sont une aide précieuse dans la vie » se souvient Forman. Pour cela, il s’efforce d‘avoir de bons résultats à l’école, il aide aux travaux ménagers et dans les affaires de ses bienfaiteurs. « Je me suis aperçu qu’être rebelle et faire du boucan est un grand luxe existentiel et je suis ainsi devenu plus diplomate qu’autre chose », ajoute-t-il. Il est possible, que tous ces déménagements, valise en main, lui ont été en effet bénéfiques pour sa future profession.

Podebrady

Après la guerre, Forman entre dans un internat d'excellence pour les orphelins de guerre à Podebrady. « Dans cet établissement pour orphelins, je fus surpris de voir combien il y avait d’élèves qui avaient un père et une mère. Certes, il y avait des élèves comme moi qui avaient perdu leurs parents pendant la guerre, mais plusieurs d’entre eux avaient un père ministre, diplomate appartenant à la vieille bourgeoisie pragoise, ou bien même haut fonctionnaire communiste » se souvient Forman. L’explication est très simple. Le projet de création d’une école de garçons victimes de la guerre a été accueilli par tous les partis politiques qui rivalisaient entre eux quant aux dotations et contributions les plus élevées. Ainsi, le directeur pouvait se permettre de sélectionner les meilleurs pédagogues. Et, par conséquent, se créa une école d'excellence, où la vieille élite capitaliste et la nouvelle élite communiste, réunies, essayèrent d’intégrer leurs enfants parmi les orphelins. C’est donc ainsi que le jeune Forman reçoit une éducation excellente mais c'est également là qu'il fait la connaissance de ceux qui resteront ses amis pour la vie comme le cinéaste Ivan Passer et le futur dramaturge et président de la République tchèque Vaclav Havel. Il y connait aussi les frères Masin ─ fils du membre de la résistance Josef Masin ─ plus tard fondateurs du groupe armé anticommuniste actif dans les années 1951 à 1953 dans la Tchécoslovaquie communiste.
Après le coup d’Etat du mois de février, Forman, suite à un problème de discipline scolaire, est accusé par un de ses professeurs d´avoir ridiculisé le parti communiste et doit passer sa dernière année d’étude dans un lycée de Prague.

Prague – années 50

Dès sa plus tendre jeunesse, Forman est passionné par le théâtre, qu’il connaît grâce à son frère Pavel, qui travaillait pendant la guerre comme peintre-décorateur dans une troupe de théâtre itinérant nommée Vychodoceska opereta (l’Opérette de Bohême de l’Est). « Dans les coulisses de l’Opereta, on sentait un merveilleux mélange d’odeurs de sensualité féminine, de fleurs et de parfums bon-marché, de violettes et de corps en sueur, de fond-de-teint  et de rose, de dentelles empesées crissant sous le fer à repasser brûlant, de billes anti-mites, d’alcool et de clafoutis aux cerises, de biscuits à la cuillère et de tee-shirts trempés de sueur, de jupes sentant légèrement l’urine, et c'est ainsi que je décidai sur le champ de faire partie de ce monde et d’aucun autre ». C'est ainsi que Milos Forman décrit sa première rencontre avec le monde du show-business.

La seule chose dont il n'était sûr, c'était dans quelle branche il allait travailler. « Dès le début, je savais que je ne voulais pas être acteur. J’avais remarqué, qu’à la différence de la scène, les hommes, dans les coulisses, étaient traités comme de vraies chaussettes russes.  Mais à côté de cela, un homme d’âge mûr entré en trombe dans les vestiaires avait pris un air très en colère, il portait une veste chiffonnée et était doté d'une importante calvitie, et, malgré tout cela, des femmes ravissantes ne le quittaient pas des yeux. C’était évident que ce gars avait bu et elles, elles lui faisaient des risettes, elles badinaient, elles crânaient devant lui, elles faisaient tout pour se faire remarquer et lui faire plaisir. Je me disais que cela me plairait bien à moi aussi.
"Qui est-ce? demandai-je à mon frère.
– Ça? C’est celui qui a fait la mise en scène, me répondit mon frère.
‘Et, il en est capable?
– Ouais, et surtout de boire."
Apparemment, mon frère n´avait pas une bonne opinion du metteur en scène, mais moi, j´avais découvert mon modèle. »

Plus tard, à Podebrady, Forman joue dans le théâtre itinérant local Na Kovarne. Dans les années 1950, il fonde avec ses camarades de lycée à Prague une troupe d’amateurs qui joue avec succès La ballade en chiffons (1950). Pourtant, Forman n’est pas reçu à l'école de théâtre de Prague DAMU parce qu’il n’a soi-disant pas su interpréter « la lutte pour la paix dans le monde » pendant l’examen d’entrée.

Pour éviter de faire son service militaire obligatoire, il s’inscrit rapidement à la FAMU (l'école de cinéma de Prague) et est admis dans la spécialité scénario. « Maintenant, je me rends compte que la FAMU m’a donné exactement ce qu’elle a donné à mes professeurs, c’est-à dire la chance d’être à l’abri de la fureur stalinienne des années 1950 qui avait détruit tout et chacun. De plus, nous avions de merveilleux enseignants comme Milan Kundera et Milos V. Kratochvil. »

Débuts créatifs

En deuxième année de l'école de la FAMU, Forman se présente au concours de présentateur d’une émission consacrée au cinéma pour la toute nouvelle Télévision tchécoslovaque. « Je m’étais dit que ce pourrait être un pas vers le reportage sportif. Cela me paraissait le meilleur métier du monde: un reporter sportif allait aux matchs de foot et de hockey, il était bien payé et, en plus, il pouvait voyager en occident. »

Milos Forman est engagé comme présentateur et informe régulièrement la poignée de la population tchécoslovaque possédant un poste de télévision des nouveautés cinématographiques socialistes et occidentales. Il a d'autre part l’occasion  de s'essayer au reportage pendant un match de hockey au stade de Stvanice oú il tourne 5 minutes de reportage commenté. « Je m‘y suis mis à fond, cependant je n’ai jamais été rappelé par personne de la rédaction des nouvelles sportives. »

Pendant ses études, il a quelques petits rôles dans des films tchèques et participe à l'écriture d'un bon nombre de scénarios. Mais, c'est seulement lors du tournage du film historique Grand-père automobile (1956) qu'il s'essaye pour la première fois réellement à la mise en scène. Le réalisateur du film, Alfred Radok, lui donne l’occasion de mettre en scène une séquence de foule. L’année suivante, il collabore en tant qu’auteur du sujet, co-scénariste et assistant-réalisateur  du film de Ivo Novak Les Chiots (1957). À cette occasion, il fait la connaissance de sa première femme, la plus célèbre actrice tchèque de la décennie suivante, Jana Brejchova. Ils se marient tout de suite après le tournage du film, apparemment aussi pour pouvoir acquérir un appartement à louer.

Peu après, Radok fait appel à Milos Forman pour collaborer en tant que scénariste au spectacle multimédia Laterna magika (La lanterne magique, 1958) en vue de l’exposition universelle EXPO 58 à Bruxelles. Ce fut un succès mondial et, au retour à Prague, Radok lui redemande de collaborer pour le nouveau film de Laterna magika II : Zájezdový pogram (La lanterne magique II : Le programme de tournée, 1961). Pendant le tournage, son mariage avec Jana Brejchova est rompu.

Années 1960

Au début des années 1960, Forman s’achète une caméra est-allemande avec laquelle il commence à tourner, avec Ivan Passer et le caméraman Miroslav Ondricek, un documentaire sur un théâtre pragois très populaire à l’époque, le Semafor. De là aussi naît le thème du film L'Audience  (1963). Avec la direction artistique du Semafor – Jiri Suchy et Jiri Slitr – ils organisent un casting fictif de chanteuses, auquel accourent une foule de jeunes filles qui rêvent d'une carrière de chanteuse. L'expérience est filmée. Forman donna le rôle de la jeune chanteuse à Vera Kresadlova qu’il avait connue lors d’un concert de rock’n’roll à Prague auquel elle participait avec son groupe. Elle allait devenir sa deuxième femme en 1964.

« Lorsque nous nous sommes mariés, le ventre de Vera était déjà énorme et devenait de plus en plus gros. Le médecin affirmait que Vera allait accoucher soit d'une monstruosité soit de jumeaux. Seule une radio pouvait le confirmer, à l’époque il n’y avait pas encore d’échographie, mais Vera a refusé d'en faire une. » En Bohême, la coutume est que le futur père boit pour l’enfant avec ses amis et attend la nouvelle de la maternité. « Une grande dame du théâtre tchèque, Stella Zazvorkova, organisa une soirée en mon honneur. J’étais attablé avec des amis et buvais en l'honneur de l’enfant lorsque la nouvelle de la maternité arriva. Vera avait accouché de jumeaux, Petr et Matej, et tous les trois étaient en bonne santé. Et une autre tradition tchèque veut que le tout jeune père de famille mange une assiette chaude de lentilles dans laquelle on a ajouté un oeuf cru. Les lentilles symbolisent l’argent et le père doit terminer son plat jusqu’à la dernière miette pour que la famille ne soit jamais dans le besoin. Stella posa devant moi l’assiette et tout le monde se mit à me lancer des blagues. Stella prit un oeuf et cassa l’oeuf sur le rebord de l’assiette. Il y eut silence dans toute la salle – l’oeuf avait deux jaunes. »

La même année, Forman parvint à tourner son premier long-métrage d’après une nouvelle de Jaroslav Papousek, L'As de pique(1963). Le film gagne au concours du festival international de Locarno et ouvre au réalisateur les portes de l’Amérique tant rêvée. Cependant, les portes du monde ne s’ouvrent réellement qu’après le film suivant, Les Amours d’une blonde (1965), qui lui rapporte une première nomination pour un Oscar comme meilleur film étranger.

Grâce à cette nomination aux Oscars, il devient un célèbre cinéaste européen et est remarqué par le fameux producteur italien Carlo Ponti. Ce dernier invite Forman, Jaroslav Papousek et Ivan Passer en Italie pour écrire le scénario d'une comédie sur la chasse au dernier ours des Hautes Tatras en Slovaquie. Le fameux producteur se fait cependant une idée toute différente du résultat que le trio de jeunes créateurs et le projet est abandonné. Mais le trio ne se laisse pas abattre par cet échec et se met à travailler, dès son retour au pays, sur d’autres thèmes. Il trouve son sujet lors du bal des pompiers volontaires à Vrchlabi, dans les Monts des Géants, qui engendre la comédie acerbe Au feu, les pompiers! (1967). Après de tortueuses péripéties pour la projection du film dans les salles, il peut finalement sortir, même aux États-Unis, et vaut à Forman une autre nomination aux Oscars.

New York

En 1967, Forman obtient l’autorisation de voyager aux USA où il peut tourner son premier film américain chez Paramount. Il a plusieurs idées, parmi lesquelles une adaptation du roman de Kafka, L'Amérique, sur laquelle il avait commencé à travailler avec Vaclav Havel en Tchécoslovaquie, mais qui avait été refusée par les institutions communistes à cause du thème traité.

Pendant son séjour à New York, il est séduit par le mouvement hippies. Après avoir vu l’avant-première de la comédie musicale Hair avec son ami, le scénariste français Jean-Claude Carrière, il décide de travailler une version cinématographique avec ce dernier, mais ils ne réussissent pas à obtenir les droits d’auteur et se mettent alors à écrire le scénario de Taking off (1971).

Au printemps 1968, des troubles raciaux et des manifestations contre la guerre du Viêt-nam éclatent à New York et dans toute l’Amérique. Les deux cinéastes partent à Paris en espérant trouver le calme pour écrire. Cependant, à Paris, des manifestations estudiantines éclatent. Ils se retrouvent donc à Prague où culmine la libéralisation politique, le Printemps de Prague. Dans le tourbillon des événements, ils ne réussissent pas à écrire une seule ligne. Au début du mois d’août, les voilà à Paris, où ils apprennent l’invasion de la Tchécoslovaquie par les armées du pacte de Varsovie. Des amis français de Forman réussissent à emmener en voiture sa femme Vera Kresadlova et ses enfants à Paris. Cependant, quelques mois plus tard, celle-ci préfère rentrer à Prague et accepter un engagement au théâtre Semafor. De son côté, le réalisateur tchèque part conquérir l’Amérique avec un passeport tchécoslovaque et un visa encore valides.

Greenwich Village

Avec Ivan Passer, qui décide aussi d’émigrer, ils louent une petite maison dans Leroy Street à Greenwich Village à New York. Aujourd’hui encore, Forman se souvient avec plaisir de cette époque : « Jamais nous n’avons refusé l’entrée à qui que ce soit, ce qui fait qu'une foule de gens est passée dans notre maison. Certains amis y restaient, d’autres s’en allaient, et quelques uns partaient pour revenir bientôt et cherchent jusqu’à présent le chemin du retour. Le dramaturge John Guare, auteur de La Maison des feuilles bleues, affirmait que, à chaque fois qu’il venait chez nous, il avait l’impression d’avoir quitté l’Amérique et d’être entré sur le sol de la Bohême de l’avant-garde où ce qui est important c’est ce que l’on lit et ce que l’on boit.

À l’aide du jeune cinéaste américain John Klein, Forman termine le scénario du film Taking off (1971). Pendant le tournage, il rencontre pour la première fois Michael Hausman, producteur de la majorité de ses futurs films. « On notait au premier coup d’œil que c’était un homme merveilleux. Il allait au travail à moto. Il faisait des films underground et il était capable de créer avec n’importe quel budget. Il aurait même volé pour pouvoir financer un film. Et pourtant, il venait d’une des plus riches familles de New York. » Cependant, le film Taking off n’a pas eu de succès auprès du public. « Mes instincts cinématographiques étaient trop tchèques et je n’avais encore aucune expérience avec le cinéma américain. Cela ne valait pas la peine de faire des films sur la vie réelle américaine que je ne connaissais pas très bien et qui n’était pas la mienne. Malgré tout, mon dernier film tchèque, je l’ai tourné à New York. Et, depuis ce moment, je n’ai tourné que des films américains. »

Hôtel Chelsea

Après l’échec commercial de Taking off, Forman recommence à zéro. Il emménage à l’Hôtel Chelsea et, certains jours, ne vit qu’avec un dollar par jour, une conserve de chili con carne et une bière. Bien qu'il n'ait plus de contrat avec Universal, il n’envisage pas de retourner en Tchécoslovaquie. Sans contrat avec le studio, il ne peut plus rester aux USA en tant que citoyen tchécoslovaque. Il devient alors émigré. « J’attendais une proposition qui allait changer ma vie et, entre temps, j’acceptais tous les travaux qui pouvaient me payer au moins un repas. »

À cette époque, il participe au documentaire collectif sur les Jeux Olympiques de Munich Visions of Eight (1972). Lors des Jeux Olympiques, il est témoin de l’attentat tragique des Palestiniens contre les sportifs israéliens.

Il exauce son rêve de mettre en scène à Broadway la comédie The Little Black Book (Le petit livre noir)  de son ami Jean-Claude Carrière.

Il essaie même de travailler dans l’industrie américaine de publicité en tournant la publicité pour la Royal Crown Cola. « Je me suis aperçu que l’univers représenté par Kafka marche aussi bien en Amérique que dans la bureaucratie communiste. Le long métrage, qui m’a pris deux ans de travail, m’a coûté 810 000 dollars, alors que son plagiat d’une minute a coûté un million. »

C’est aussi à ce moment qu’il commence à collaborer avec son agent Robert (Robby) Lantz qui est l’imprésario de stars comme Tennessee Williams, Elizabeth Taylor, Richard Burton ou bien Léonard Bernstein. Ils s’étaient déjà rencontrés lors du premier séjour de Forman à New York. « Je dois avouer qu’au début, je n’avais pas trop confiance. Robby représentait quand même des personnes que toute l’Amérique appelait par leurs prénoms comme Liz, Richard, Lenny, et pourtant, il se comportait avec moi comme si j’étais la personne la plus importante au monde. Ce n’est qu’après que je me suis rendu compte qu’il n’y avait aucune ruse et que c’était tout simplement sa façon naturelle de se comporter avec les gens. Un jour on s’est mis d’accord et cet accord perdure depuis toutes ces années et pour tous mes films. »

Les premiers Oscars

Forman a la deuxième occasion de tourner son film américain en 1974 lorque le jeune acteur Michael Douglas et le producteur indépendant Saul Zaentz lui proposent de tourner un film d’après le roman de Ken Kesey Vol au-dessus d’un nid de coucou. Plus tard, Forman apprend que dans les années soixante le père de Michael, Kirk Douglas, lui avait envoyé ce thème de prédilection avec une proposition de coopérer, cependant la lettre avait dû être confisquée par la police nationale et il ne l’avait jamais reçue. Le film Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975) est un énorme succès et obtient des Oscars dans toutes les catégories principales.

D’un coup, Forman devient un metteur en scène américain célèbre. Les propositions fusent mais il désire réaliser un de ses premiers rêves américains – filmer la comédie musicale Hair (1979). Il s’achète un appartement tout près de Central Park, et  peut ainsi mettre en scène Hair presque depuis sa fenêtre. Bien que le film ait moins de succès que Vol au-dessus d’un nid de coucou, il renforce la renommée de Forman en tant que réalisateur.

Années 80

Le producteur italien Dino Laurentis fait appel à Forman pour la réalisation de la version cinématographique du best-seller de E. L. Doctorow Ragtime (1981). En travaillant sur ce film, Forman retrouve son ami caméraman Miroslav Ondricek qui avait enfin obtenu des autorités tchécoslovaques l’autorisation de voyager en occident. Plus tard, il participe à la réalisation d’un autre film de Forman Amadeus (1982). Son tournage permet à Forman de revenir pour quelque temps dans son pays natal. Bien qu’il soit depuis longtemps citoyen américain, il n’avait jamais obtenu l’autorisation des autorités tchécoslovaques d’y revenir même pour un court séjour. Mais cette fois-ci, il appelle le directeur de la Cinématographie tchécoslovaque, Jiri Pursa, qui dirige l’industrie du film tchèque. Il lui fait part des intentions des Américains d’investir des devises à Prague, alors le visa lui est rapidement délivré. Le tournage est évidemment surveillé par la police secrète. Le film est nominé aux Oscars dans onze catégories dont huit sont récompensées d’un Oscar.

Après Amadeus, Forman se lance dans un autre thème historique : l’adaptation au cinéma du célèbre roman du dix-huitième siècle de Choderlos de Laclos Les liaisons dangeureuses. Après un désaccord avec l’auteur de la version pour le théâtre Christopher Hampton, ce dernier vend ses droits d’auteur pour la version théâtrale à un jeune metteur en scène britannique, Stephen Frears. Au même moment,  deux versions cinématographiques sortent sur les écrans sur le même thème : celle de Forman Valmont (1989) basée sur le roman et celle de Hampton intitulée Les liaisons dangeureuses (1988). Valmont n’a aucun succès. « Dans des conditions normales, un tel résultat m’aurait plongé dans un état d’hibernation et de dépression, mais à ce moment-là je vivais tout à fait autre chose. En Tchécoslovaquie, le régime communiste venait de tomber et mon ami et camarade de classe Vaclav Havel était devenu président de la nouvelle République tchécoslovaque. »

Visite du président

Forman rencontre Vaclav Havel dès son premier voyage aux Etats-Unis quand, en tant que président de la Tchécoslovaquie démocratique, il prononce son célèbre discours devant le congrès. Accompagnés de la garde américaine, ils font la visite de la ville. Vaclav Havel veut voir Washington Square où se réunit la jeunesse et les hippies mais la garde le lui déconseille formellement parce qu’il y a des risques de coups de feu. La garde sait qu’on y vend de la marijuana et qu'étant donné que là oú il y a de la drogue, il y a aussi souvent des armes,  la présence d'un président y est impossible. Devant le chef de garde qui ne comprend rien, Havel demande à Forman en plaisantant : « Quels coups de feu ? Je sors de chez Bush et on ne m’a pas dit que quelqu’un est en guerre avec vous. Et depuis quand ? » « Je ne sais pas, je n’ai pas lu les nouvelles aujourd’hui » répond Forman. « Est-ce que la Tchécoslovaquie ne pourrait pas venir en aide à l’Amérique ? » rétorque le président amusé. Et pour finir, il déclare que la Tchécoslovaquie ne va pas s’ingérer dans la politique étrangère américaine et, pour appuyer son propos, il contourne la place.

« C’était exactement le même garçon, parfois même enfantin. Mais très perspicace, très intelligent, avec une connaissance aiguë des affaires publiques. Autrement, il n’avait pas du tout changé. » se souvient Forman après le récent décès de son ami. « Nous nous voyions à chaque fois qu’il venait en Amérique ou que moi j’étais à Prague. La plupart du temps, nous parlions de nos amis de Podebrady. Presque jamais de politique, ou très peu. »

Troisième mariage

À la fin des années 1990, Forman fait la connaissance de sa troisième femme Martina, plus jeune de plusieurs années, étudiante pragoise à la FAMU.  Elle lui avait demandé par écrit s’il ne pouvait pas l’aider dans la rédaction de son mémoire qui comparait le cinéma tchèque et américain. « Cette lettre polie me rappela lorsque, comme jeune homme ambitieux qui ne respectait pas encore la marche du monde, j’avais expédié en Suisse un projet de mise-en-scène à Charlie Chaplin et espérait vraiment que Chaplin se laisserait tenter par une offre d’un metteur en scène de la Tchécoslovaquie stalinienne qui n’avait encore rien mis en scène. Et donc, je donnais rendez-vous avec cette jeune Martina de la FAMU. Je m’attendais à ce qu’apparaisse une jeune fille réfléchie et portant des lunettes dans un pull tout étiré, mais au lieu de cela, je vis arriver une jeune femme blonde élégante. Elle était grande et mince et je me suis tout de suite rappelé que je l’avais déjà vue. C’était quelques années auparavant et, quoique nous ne nous étions rien dit, je me rappelais qu’elle m’avait tapé dans l’oeil. » En 1998, leurs jumeaux Andrew et James naissent, Milos et Martina se marient l'année suivante.

Années 1990 jusqu'à aujourd'hui

Le film suivant de Milos Forman, Larry Flynt (1996), fait scandale. Le réalisateur puise dans la vie du pornographe Larry Flynt – un personnage qui, en raison de son travail et de ses opinions, est victime de coups de feu et poursuivi en justice – et crée une stupéfiante histoire sur la liberté d'expression. Malgré une première critique positive, la réputation du film est endommagée par une campagne incendiaire des féministes américaines qui se sentent offensées par la « glorification » du pornographe.

Suite à l’échec du film Les Braises (Embers, 2005) dont le rôle principal est tenu par Sean Connery, Forman et Carrière se lancent dans un autre projet : un drame historique sur l’inquisition en Espagne et le peintre Francisco de Goya intitulé Les Fantômes de Goya (2006). C'est, pour l’instant, son dernier long métrage, car le tournage prévu du film Le fantôme de Munich est annulé en 2009 pour des problèmes de production.

Forman revient à Prague professionnellement en 2007. Avec ses deux fils aînés, Petr et Matej, ils mettent en scène un opéra jazz au Théâtre National: Une promenade bien payée (2007). Il est très fier de la collaboration avec ses deux fils : « Nous nous querellions, mais juste sur les petits détails. Quelqu’un doit toujours avoir le dernier mot, et dans ce cas là, c’était le respect. Mais le respect des deux côtés, je dois le préciser. Bien sûr, ils craignaient un peu leur père, car ils le voyaient encore avec un bâton, mais moi-même, je les estimais beaucoup, car ils ont beaucoup d’expériences dans le théâtre et, de plus, ils sont dotés d’une merveilleuse imagination créatrice. Et, en fait, se quereller à trois était un avantage. Deux voix avaient toujours le dessus sur le troisième. »

Il est très fier du succès de ses premiers jumeaux qui ont une renommée parmi les artistes du Théâtre européen. « Je viens toujours assister à leurs spectacles quand je le peux. J’ai vu tous leurs spectacles. Ils sont très bons, mes fils, je suis très fier d’eux. »

Milos filme la représentation de l’œuvre collective des Forman senior et juniors Une promenade bien payée (2009). Lors de la première au festival international de Marienbad, l’artiste, presque octogénaire, déclare : « Demandez-moi ce que vous voulez, photographiez-moi si vous le voulez, cela m’est complètement égal. Mais surtout, ne me demandez pas de sortir car je suis quand même un peu vieux pour aller en promenade, » en allumant son cigare habituel. Il ne prépare rien de nouveau : « Pas de prochain film, je suis en vacances. » Il est clair que «  la prochaine fois, ça sera encore plus difficile ». Mais, qui sait ?